C’est l’un des événements de l’automne : le Centre Pompidou consacre une ambitieuse rétrospective à Martin Barré, et retrace sa carrière en soixante-six œuvres. Peintre abstrait majeur dont la Collection possède une œuvre, "74-75B 113 x 105" (1975), son travail, au-delà de l’abstraction géométrique et lyrique, l’a imposé comme l’un des peintres les plus singuliers de sa génération. Retour en cinq dates-clés sur la genèse d’un langage éminemment personnel.
1924
C’est en 1924 que Martin Barré naît à Nantes. Il choisit
dans un premier temps de suivre les pas de son père architecte : aux
Beaux-Arts de sa ville, il étudie d’abord l’architecture, mais rejoint bientôt
les cours de peinture de Paul Deltombe et découvre Gauguin, Cézanne et
Renoir. Après quelques expériences en
tant que décorateur pour un théâtre nantais, il s’installe à Paris à la fin des
années 1940. C’est là qu’il décroche sa première exposition, à la galerie du
Vert-Galant : sa peinture est alors figurative et reflète son admiration
pour Miró et Picasso.
1955
Pour la première fois, ce sont ses œuvres abstraites que
Barré expose à la galerie La Roue. Elles sont le résultat de plusieurs années
de recherches plastiques qui l’ont conduit à réaliser des collages
géométriques, à expérimenter avec l’abstraction lyrique, et à s’essayer à de
nombreuses techniques de peinture – manche de pinceau, couteau à mastic,
tachisme. Il prend pour de bon ses distances avec le post-cubisme. De ces
essais, très peu nous sont parvenus, l’artiste les détruisant au fur et à
mesure pour récupérer leur toile.
1960
Peu à peu, Martin Barré abandonne les formes au profit de la
ligne, et à partir de 1960, celle-ci devient le motif unique de son travail,
qui se fait plus radical que jamais. L’artiste s’attache à révéler l’espace
plutôt que tracer des figures : peinte directement au tube ou à la bombe
aérosol, la ligne témoigne du geste qui l’a produite et dessine de nouveaux
espaces. Poussant le minimalisme à son extrême, il flirte avec le néant,
jusqu’à abandonner un temps la peinture pour s’intéresser aux potentialités abstraites
de la photographie.
1972
Après une pause de quatre ans, Martin Barré revient à son
médium de prédilection et entame une période de vingt années de création.
Privilégiant le travail en séries, ses toiles toujours intitulées de la même
manière (année de création puis dimensions) suivent une logique inverse à la
dynamique d’allégement des années 1960. L’artiste se concentre d’abord sur la
structuration du tableau, quadrillé de grilles rendues visibles par marquages
et recouvrements, puis retrouve la figure et la couleur au cours des années
1980.
1993
Quelques mois à peine après la fin de la grande exposition
qui lui est consacrée au Jeu de Paume, en juillet 1993, Martin Barré meurt d’un
cancer. Il était âgé de soixante-huit ans. « Je crois que je ne fais pas plus
surgir le fond que je n'enfonce tout ce qui n'est pas ce fond. Je voulais que
tout soit ensemble, l'un avec l'autre. Supprimer tous les
"dessus-dessous"», expliquait-il volontiers. En quarante ans de
carrière, il a fait de ses toiles un lieu de réflexion sur la peinture et ses
potentialités sensibles, physiques et mentales : elles sont depuis autant
de témoignages d’une pensée stimulante et radicale.
C. Perrin
À voir > au Centre Pompidou, place Georges-Pompidou,
75004 Paris
Du 14 octobre 2020 au 4 janvier 2021
Tous les jours de 11h à 21h sauf le mardi